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GRATALOUP - DE LA TERRE AU CIEL

2016 - Luis Porquet (journaliste, critique d'art)

Ouverte du 2 juillet au 23 octobre 2016, l'exposition que le Château de Vascœuil consacre à Guy-Rachel Grataloup salue l'œuvre singulière d'un grand artiste français. D'un chromatisme rayonnant, sa peinture, qui replace l'Homme au cœur de l'Univers, prend l'allure d'une quête alchimique. Son pouvoir apaisant opère dès les premiers instants.


L'exposition aurait bien pu s'appeler "De la Terre au Ciel", moins prosaïque peut-être que "De Bas en Haut". Mais, s'il en est ainsi, c'est que le titre adopté par l'artiste correspond à sa discrétion, comme pour ne pas en rajouter à un concept suffisamment évocateur à ses yeux.

Il faudrait, de toute façon, être bien insensible à l'art pour ne pas déceler, dans l'œuvre de Guy-Rachel Grataloup, une aspiration spirituelle dont témoigne chacun de ses tableaux. Pour lui, peindre est une manière d'interroger la vie, d'en décrypter le sens au-delà de sa part visible ou d'une lecture commodément matérialiste du monde.


Et pourtant, la matière assez curieusement s'exprime pleinement pour ne pas dire magnétiquement dans son art haut en substance et parcouru de reliefs, de sursauts telluriques dont on trouve peu d'équivalents dans ce qu'il est convenu d'appeler la pratique picturale actuelle.


S'exprimant sans ostentation, Grataloup, qui fut Lauréat du Prix de Rome et accorda beaucoup de temps à l'enseignement, cet art de la transmission, cherche à trouver un sens à sa présence sur Terre. S'il ne se considère pas comme un mystique, sa quête est celle d'un homme tourné vers la vie de l'esprit et son œuvre est perceptiblement nourrie d'ésotérisme (références à la Bible, à l'alchimie, au traité des couleurs de Goethe en nourrissent l'élaboration). Il y a certes une dimension éminemment symbolique dans sa peinture qui fait notamment appel aux métaux, au sable et aux techniques mixtes. La figure ô combien emblématique de l'arbre, en particulier le pommier, qui nous ramène au paradis perdu, s'y trouve fréquemment conviée, faisant le lien entre terre et ciel, matière dense et éther, notions renvoyant à l'être charnel et au monde plus subtil de l'âme.


Comment donc s'étonner que les quatre éléments -Terre, air, eau, feu (il faudrait ajouter l'Amour, avec une majuscule)- entrent en jeu dans la dramaturgie rayonnante de cet artiste si proche du sacré, même s'il affecte d'en parler avec cette réserve propre à ceux qui en savent bien plus long qu'ils ne le disent ! Car celui qui parle ne sait pas, celui sait ne parle pas, tel le veut la sagesse éternelle.

Dans ce théâtre flamboyant où la couleur frémit avec une rare intensité, mais sans jamais toutefois vous agresser, Grataloup accorde une place essentielle, fondamentale à la Femme, mi-ange, mi-acrobate, dont l'âme est capable de s'élever sans entrave jusqu'à Dieu. Soutenue et guidée par un fil de lumière, elle gravit les degrés de l'air jusqu'à atteindre l'empyrée, devenant ainsi la source inspiratrice de l'homme, trop souvent rivé à la terre et à ce qu'il nomme le concret. En anglais, le mot concrete, traduction même de concret, désigne également le béton et le matériel. Or, on n'a jamais vu le béton flotter, pour reprendre une formule de Salavador Dali. Dans le langage de Grataloup, la présence de l'échelle d'or renvoie au songe de Jacob, tel qu'il est évoqué dans l'Ancien Testament. Elle est comme une passerelle reliant l'homme au divin et vice-versa, le moyen d'échapper aux limites strictement terrestres et par trop réductrices de l'immense univers.


Pour l'écrivain Michel Tournier, Grataloup se situe au-delà de la forme et de la matière. Mais il nous livre des clés donnant accès à ce qui est caché. Pour Lydia Harambourg, son œuvre est une aspiration vers l'infini. La présence irradiante de l'or, magnifiquement présent dans son Hommage à Kaspar David Friedrich (1992) renvoie à la métamorphose de l'Homme à laquelle visent les alchimistes, autrement dit à la purification de son esprit. Trouver l'accord avec la Vie, sa beauté, sa rayonnante présence, c'est retrouver le chemin de cet Eden perdu depuis le temps mythique de la chute d'Adam. C'est retrouver, ici et maintenant, le chemin de la plénitude oubliée. Dans la Chine de Confucius, le Ciel est le lieu de la constance, en opposition à la Terre, reflet des chaos de l'âme humaine et des déchirements passagers.


Pour Jacques Julliard, Grataloup est un peintre du Moyen-Age dont l'œuvre toute entière s'apparente à la recherche des alchimistes. Un alchimiste qui aurait réussi à percer le secret de la matière. La peinture acrylique étalée sur la toile s'y mêle au métal et au sable pour donner de l'or... La présence de l'oiseau, qu'il s'agisse de l'aigle ou d'un palmipède n'est pas non plus fortuite dans la sémantique de l'artiste. Elle renvoie elle aussi à l'Esprit volant au-dessus des eaux et des contingences matérielles.


Témoignant spontanément de leurs toutes premières impressions, plusieurs visiteurs nous ont dit avoir ressenti une impression d'allègement face aux œuvres apaisantes de Guy-Rachel Grataloup qui, pendant plusieurs mois, vont occuper les trois niveaux du Château de Vascœuil, comme une invitation à une vie plus haute.


Luis Porquet - juillet 2016 (critique d'art)

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