Texte du podcast que vous écoutez
Chaque matin, il s’installait devant le lac, son chevalet planté dans l’herbe humide. C’était son rituel, sa quête. À l’aube, le lac semblait toujours différent et cela le fascinait.
Un jour, il portait le bleu profond des cieux après l’orage. Le lendemain, il se teintait du vert des mousses et des feuillages. Parfois, au crépuscule, ses eaux s’enflammaient de rouge sang et, avant la pluie, il se plombait d’argent, lourd de silence et de gravité.
Chaque couleur l’enchantait, mais aussi le troublait. Il peignait, effaçait, recommençait. Aucun tableau ne semblait à la hauteur. Les semaines passèrent. Il persévérait. Plus il peignait, plus le lac semblait insaisissable. Un jour, le lac, touché par tant d’obsession, lui demanda :
« Pourquoi recommences-tu sans cesse ? »
Il hésita, le regard perdu dans les reflets mouvants. « Tu mens ! Chaque jour, tu es différent ! Comment capturer ce qui ne cesse de se transformer ? »
Le lac était d’un bleu très clair ce matin-là, presque translucide.
« Ce n’est pas moi qui change. » murmura-t-il. « C’est toi. Je suis le reflet de ce que tu es. Aujourd’hui, je suis calme parce que toi, tu l’es. Demain, je serai peut-être plus sombre, ou plus éclatant. Je ne suis pas dans les pigments de tes toiles, mais dans le silence, entre tes pensées. »
Ce jour-là, il rangea ses pinceaux, laissant son tableau inachevé. Il s’assit au bord de l’eau et, pour la première fois, ne chercha plus à la capturer.
Tous les matins, un peintre venait au bord d’un lac avec ses pinceaux. Il voulait le peindre, mais chaque jour, le lac était différent. Un jour, il était bleu comme le ciel, le lendemain, il était vert comme les feuilles des arbres ou bien rouge comme le feu au coucher de soleil. Et juste avant la pluie, il devenait tout gris et très silencieux.
Le peintre n’était jamais content de son tableau. Il peignait, effaçait, recommençait… Un jour, le lac lui parla :
« Pourquoi est-ce que tu recommences tout le temps ? »
Le peintre répondit : « Parce que tu changes tout le temps ! Je n’arrive pas à te peindre, tu n’es jamais le même ! »
Le lac murmura : « Ce n’est pas moi qui change… C’est toi. Je suis comme un miroir. Si tu es calme, je suis calme. Si tu es triste, je deviens sombre. Je ne suis pas dans les couleurs de tes peintures. Je suis dans le silence, entre tes pensées. »
Ce jour-là, le peintre posa ses pinceaux. Il s’assit au bord de l’eau et il observa ce qui se passait entre ses pensées.

195 cm x 114 cm - Technique mixte sur toile

195 cm x 114 cm - Technique mixte sur toile
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